Interview : Marie-Ève Paget

Présentation de l’invité

Nous avons eu la chance de nous entretenir avec la basketteuse Marie-Eve PAGET. Meneuse de l’équipe de Basket Landes et membre de l’équipe de France de 3×3, elle nous retrace son parcours, ses objectifs et son aventure Olympique.

Lachasuble : Peux-tu nous raconter ton parcours ? De tes débuts à aujourd’hui.

J’ai commencé le basket quand j’avais 5 ans, donc j’ai commencé très jeune, ça va faire plus de 20 ans que je joue au basket. J’ai commencé chez moi, là où je suis originaire à Annecy en Haute-Savoie, d’où le numéro 74 que j’ai actuellement avec le Club de Basket Landes. Je suis restée là-bas à peu près 7 ans, donc j’ai fait toute mon école de basket dans cette région : Baby, poussin, minimes etc… Je suis partie en 2ème année de minimes à Challes-les-Eaux où je suis restée 4 ans dont 3 années au centre de formation. C’est ici que j’ai commencé à évoluer dans les championnats de France, les espoirs… j’ai aussi commencé à m’entraîner avec les pros. Entre 2013 et 2019, j’ai enchaîné dans les clubs de Nice, puis Charleville-Mézières, pour arriver à Mont-de-Marsan dans le club de Basket Landes, où je viens de resigner pour 3 années. Voilà pour ce qui est de mon parcours professionnel.

Lachasuble : Comment en es-tu venue à faire du 3×3 ?

A savoir déjà que je ne suis pas une joueuse professionnelle en 3×3, cela n’existe pas aujourd’hui en France, nous sommes toutes des joueuses de 5×5 en club toute la saison, et nous sommes des joueuses de 3×3 pendant les étés. C’est en devenir, il y a un circuit professionnel qui va être lancé dans les années à venir.
Mais ma première expérience, c’était un petit peu par hasard, c’était en 2012 lorsque j’évoluais dans le club à Nice. Il y avait le premier Open de France qui se tenait là-bas, et il manquait des équipes pour compléter le tournoi. L’organisation a donc demandé à l’équipe locale si elle pouvait mettre à disposition des joueuses, et c’est comme ça que je me suis retrouvée à faire du 3×3, d’ailleurs j’ai été championne de France cette année-là.

Le 3×3 m’avait énormément séduit, la dureté de ce sport m’a plu car je suis une personne qui se donne à 200% sur le terrain, je me suis beaucoup retrouvé là-dedans. J’ai été amenée à participer à d’autres tournois l’été avec des amis, et j’ai eu l’occasion de participer aux Championnat du monde de 3×3 Universitaire en 2014 au Brésil, où nous avons été champion.
Ensuite en 2018, la discipline est passée olympique, la fédération a mis les moyens sur le 3×3. Il y a eu un processus de sélection, et c’est comme ça que j’ai intégré l’Équipe de France. Je suis arrivée un peu par hasard dans la discipline, mais ça fait quand même longtemps que je suis dedans.

Lachasuble : Est-ce le cas également dans les autres pays européens, où le 3×3 n’est pas encore reconnu comme un sport professionnel ?

Chez les garçons il y a une spécialisation dans le 3×3, il y a des joueurs qui ne font que ça. Notamment en Serbie, Lettonie…où la fédération les a professionnalisés. Chez les filles, l’Allemagne depuis l’année dernière, les joueuses sont payées par la fédération pour faire que du 3×3. Mais il n’y a pas encore suffisamment de compétitions toute l’année, cela se passe généralement l’été, de mai à septembre. Par exemple, au Japon, il y a un championnat professionnel qui dure toute une saison. Ça commence à venir depuis que le sport est olympique, mais il y a encore du travail à faire là-dessus.

Lachasuble : Les Jeux Olympiques ont mis un énorme coup de projecteur sur le 3×3, comment as-tu vécu cette expérience ?

Les Jeux Olympiques, c’est la plus grande vitrine du sport, et donc le plus gros évènement pour promouvoir un sport. Beaucoup de personnes qui ne suivent pas de sport tout au long de l’année vont regarder les JO, et donc découvrir la discipline.

Tant qu’on ne vit pas des Jeux Olympiques on ne peut pas comprendre ce qu’il s’y passe. C’est la compétition la plus dure à laquelle j’ai participé, en termes de niveau de jeu, d’exigence, d’émotions, que ce soit haut ou que ce soit bas. La 4ème place est encore douloureuse aujourd’hui. Mais c’est vraiment une expérience incroyable, on appartient à une équipe de France, on représente un pays encore plus que lors d’autres compétitions. Nous ne sommes pas l’équipe de France de 3×3, on est l’équipe de la France. C’était quelque chose de nouveau, que je n’avais pas encore vécu jusqu’ici.

Lachasuble : Quels sont tes objectifs pour les années à venir ?

Disons qu’en ce moment je suis en pleine période de reconstruction de mes objectifs. Mes objectifs précédents étaient basés sur cette année, et ils ont quasiment tous été atteints. Je suis sur une réflexion pour trouver mes nouveaux objectifs. Bien sûr, mon objectif c’était d’aller aux Jeux Olympiques, c’était même un rêve. L’objectif était de ramener une médaille, le rêve a été atteint mais pas l’objectif. Donc forcément je m’interroge sur Paris 2024, qui est évidemment dans ma ligne de mire. J’aimerais beaucoup y participer et pourquoi pas cette fois-ci y chercher une médaille. Mais d’ici 2024, il y a beaucoup d’échéances, que se soit avec équipe de 5×5 ou les équipes de France. Rien ne sert de trop planifier car il se peut que les choses ne se passent pas comme prévues.

Le basket 3×3

Lachasuble : Quelles sont les principales différences entre le basket à 5 et le 3×3 ?

Pour moi les principales différences, en termes de jeu déjà, c’est beaucoup plus physique. Il y a plus de contact, plus de rythme, plus de dépense d’énergie pour tenir ses duels. Il y a beaucoup moins de temps de pause que dans le basket 5×5. C’est un jeu qui revient un peu plus au basique, revenir sur des passe-et-va, sur des backdoors, il y a plus de responsabilités. Vu qu’il y a moins de personne sur le terrain et donc plus d’espace, tu as plus l’occasion de t’exprimer.
On doit faire preuve de beaucoup plus d’autonomie. Les coachs ne sont pas présents sur le terrain lors des matchs, ils sont dans les tribunes et on ne peut pas communiquer avec eux. Du coup quand tu commets des erreurs, c’est toi qui dois avoir la lucidité malgré la fatigue, l’enjeu, la pression… de proposer des solutions aux problèmes que tu rencontres. Et ça ce n’est pas toujours facile, mais c’est très formateur, ça t’oblige à passer des caps, à réfléchir différemment sans l’aide de quelqu’un d’autre.

Au niveau de l’ambiance, c’est moins protocolaire que le 5×5. Il y a de la musique, il y a un DJ, des shows, des concours individuels etc… On a la chance d’être avec les garçons aussi, on peut échanger avec eux, ils peuvent avoir une vision différente de la tienne et du coup te conseiller sur certaines choses, et c’est quelque chose que je recherche, c’est que du bonus et que du positif.

Lachasuble : Est-ce que les notions que tu apprends dans le 3×3, tu les appliques dans le 5×5, ou l’inverse ?

Le 3×3 m’est bénéfique dans mon jeu 5×5. Je suis une joueuse très altruiste, meneuse de jeu en plus, et j’ai tendance à m’oublier sur le terrain, à m’effacer et à faire jouer les autres. Le 3×3 m’a rappelé que j’avais des qualités, tu es obligé de prendre tes responsabilités, tu n’as que 12 secondes pour attaquer. Le 3×3 m’a aidé à m’imposer, et à être plus impactante dans mon jeu 5×5. Cela m’a permis également de faire progresser mon jeu défensif, car dans le 5×5 tu peux avoir des aides, il y a moins de pression défensive que dans le 3×3.

Lachasuble : Y a-t-il des postes définis au 3×3 ? (Meneuse, arrière etc…)
Comment sont composées les équipes ? Il faut un meneur, un arrière, un pivot … ? Ou bien c’est plus basé sur des qualités ou une cohésion d’équipe ?

C’est une bonne question. Déjà au basket 3×3, nous sommes 4 joueuses, sélectionnées parmi un groupe élargi de plusieurs joueuses. Je pense que cela dépend des coachs, je sais que les sélectionneurs aiment bien avoir une meneuse de jeu. C’est important d’avoir quelqu’un qui est à l’aise avec les prises de décisions, les prises de paroles etc.. Ce à quoi nous sommes confrontés avec nos équipes de 5×5. Après il y a toujours une histoire d’équilibre, il y a une meneuse, des ailières et une fille qui peut être à la fois ailière et intérieure, qui est capable d’apporter ce jeu d’intérieur, de poser de bons écrans. Mais on peut trouver des équipes sans meneuse, sans vrai poste 5, c’est au libre choix des sélectionneurs, et aussi en fonction des joueuses qu’ils ont à disposition.

Lachasuble : Par rapport à ton contrat, comment ça se passe ? As-tu une priorité sur le 3×3 ?

C’est un petit peu le point sensible. Aujourd’hui nos employeurs sont nos clubs de 5×5. Quand on joue les compétitions de 3×3 l’été et que ça ne se chevauche pas avec le calendrier de la saison 5×5, il n’y a pas trop de problème. Cependant, quand les événements sont sur les mêmes périodes, ça devient compliqué. J’ai la chance avec le club de Basket Landes, d’avoir un club qui est compréhensif, même si forcément ça leur fait grincer des dents, ce que je peux comprendre. Mettre une joueuse à disposition avec tout ce qui s’ensuit, la fatigue, les blessures… La transition 3×3 / 5×5 ne se fait pas facilement, il faut un temps pour retrouver les sensations. Donc tout cela coûte au club, et la réalité aujourd’hui elle est là, c’est qu’à l’avenir les clubs qui chercheront une joueuse,  et qui auront le choix entre une fille qui fait du 3×3 et une fille du même niveau qui ne fait pas de 3×3, ils n’hésitent pas. Mais on a la chance de pouvoir faire les deux, et j’ai un club qui me soutient dans mon projet.

Mais pour revenir aux contrats, nous sommes obligés d’être à la disposition de l’équipe nationale de 3×3. Mais ça revient à ce que l’on disait plus tôt, il sera inévitable qu’à l’avenir, le 3×3 ait ses propres athlètes.

Lachasuble : Quelles sont les qualités à avoir pour être un bon joueur de 3×3 ? Quels conseils donnerais-tu à quelqu’un qui veut pratiquer ce sport ?

Déjà je conseillerais de ne pas forcément se spécialiser directement dans le 3×3. Il y a beaucoup de notions dans le 5×5 qui vont t’apporter dans le 3×3, et l’inverse aussi. Après, au niveau de la préparation physique, ce n’est pas la même chose. On est plus sur des efforts intenses, longs et répétés. Après on niveau du 3×3, vu que c’est plus impactant, il y a un plus gros travail de renforcement. C’est vrai que le basket 3×3 donne plus de libertés, mais c’est de la fausse liberté. Il y a un quand même un cadre bien défini, il ne faut pas s’imaginer que l’on va arriver à un match de 3×3 et ne jouer que des un contre un, et faire ce que l’on veut. Après tout c’est une question aussi de timing et de rencontres, si on tombe sur un entraîneur qui te comprend, tu vas prendre beaucoup de plaisir, alors que si on tombe sur quelqu’un de plus réfractaire, on va moins s’éclater sur le terrain.
Encore une fois, c’est une question de cohésion. Si tu fais ce que tu veux et que tes coéquipiers ne sont pas d’accord avec ce que tu fais, ça ne va pas marcher.

Lachasuble : D’ailleurs d’un aspect tactique, il y a-t-il aussi des systèmes comme il peut y en avoir en 5×5?

Au 3×3 tu as les mêmes phases de jeu que dans le 5×5 : la contre-attaque, la transition et le jeu placé. Le jeu placé dans le 3×3, c’est tout ce qui est sur balle morte. Sur une remise en jeu (CheckBall), on annonce toujours un système. Au niveau du jeu de transition, donc après un rebond on n’a pas toujours le temps de se replacer et d’annoncer un système. On a des principes de jeu qui sont mis en place aux entraînements. Et pour la contre-attaque, c’est par exemple lorsque tu récupères un rebond, tu ressors et tu shoots à 2 points. C’est une phase de jeu qui dure entre 0 et 3 secondes. Mais au niveau des systèmes, c’est uniquement lors des CheckBall. C’est pour cela, que beaucoup de personnes disent que le 3×3 c’est que du un contre un, et que je ne suis pas d’accord.

La NBA

Lachasuble : Suis-tu un peu la NBA ?

C’est une question qui fâche… J’ai la chance d’avoir mon conjoint qui suit la NBA donc je suis au courant de ce qu’il se passe grâce à lui. Mais sinon de moi-même, je n’aurais pas pris le temps de m’intéressée à la NBA.

Lachasuble : As-tu quand même des franchises ou des joueurs que tu apprécies ?

Je suis vraiment fan de LeBron James, j’aime beaucoup son jeu très physique. J’aime beaucoup aussi Chris Paul, j’adore sa façon de jouer. Il est tout ce que j’aime, c’est-à-dire qu’il peut jouer pour lui et scorer, mais aussi distribuer le ballon et faire jouer ses coéquipiers. Il est capable de prendre la bonne décision au bon moment, et faire la passe qui va finir l’action. C’est un génie, même à son âge, il reste toujours au top.

Lachasuble : Est-ce que tu t’inspires de certains joueurs pour améliorer ton jeu ?

Je n’ai pas forcément eu cette culture NBA étant jeune. Je me souviens avoir eu des copines qui faisaient des mouv’ parce qu’elles avaient vu Kobe le faire.
En revanche, je regarde beaucoup de matchs de basket, de matchs d’Euroligue, quelques fois de NBA, et c’est vrai que quand je regarde ces matchs, je suis une spectatrice mais j’ai toujours un œil sur les meneurs de jeu. Je regarde comment ils prennent les Picks porteurs, et c’est ce qui est important pour moi, j’aime beaucoup m’inspirer de tout ça.

Lachasuble : On va te faire passer une série d’images de joueurs NBA, tu devras choisir l’une des 2, pour constituer ton équipe de 3×3.

Je ne suis pas une grande fan de James Harden. Il est très fort mais il ne fait pas les efforts en défense. Je n’aime pas les gens qui ne défendent pas !! Donc je ne pourrais prendre que Kyrie Irving.

C’est dur. Je prendrais quand même LeBron James pour la dimension physique. Il ferait un chantier dans une équipe de 3×3. Il peut vraiment tout faire. Je pense que Kevin Durant serait un très bon joueur de 3×3, mais il serait un peu plus bousculé que LeBron.

Curry se serait un tueur. S’il rentre tous ses 2 points.
Mais je dirais quand même Luka Doncic, pour jouer au 3×3, il est plus complet.

Jokic ! J’adore Jokic, il est trop fort. Il est très intelligent sur un terrain. Même si je pense qu’il serait un peu trop lent pour jouer au 3×3, ce n’est peut-être pas le choix de la raison mais c’est le choix du cœur.

Lachasuble : Si tu devais créer ton équipe All-Time de 3×3, qui prendrais-tu ?

Je prendrais Jason Williams en tant que meneur, car il fait des passes magnifiques et ça colle avec la mentalité 3×3. C’est un joueur qui fait le show, il y aurait des dizaines d’highlights de lui.
Je prendrais Larry Bird, car il faut un shooter.
Je prendrais Luka Doncic, il peut tout faire sur un terrain.
Et en dernier, je choisirais Giannis Antetokounmpo, il doit être injouable sur un terrain 3×3.

Lachasuble : Donc pas de Michael Jordan ? Pas de LeBron ? Pas de Kobe ?

Disons que si quelqu’un veut contrer mon équipe de rêve, il faut bien qu’il y ait des joueurs en face pour le faire, c’est pour ça que je ne les ai pas mis dans mon équipe, pour qu’il y ait un beau match. Il faut être bon joueur.
Après je pense aussi à l’osmose d’équipe. Il ne faut pas qu’il y est trop de gros caractères dans la même équipe, donc mettre ces 3 joueurs dans la même équipe je ne pense pas que ce soit une bonne idée.

Sneakers

Lachasuble : Tu as un contrat avec Peak au niveau de tes chaussures. Que penses-tu de la marque ? Avec quel modèle joues-tu aujourd’hui ?

Je joue avec le modèle Snake de la marque Peak. C’est le meilleur modèle que j’ai jamais porté de la marque. Je me sens vraiment bien dedans.

Pour parler de la marque Peak, je trouve qu’avec le temps, la marque s’améliore sur la qualité et la technique de leurs chaussures. Petit bémol, il n’y a pas de demi-pointure, ce qui peut être un peu contraignant. Mais ce sont des chaussures que je peux recommander car je suis vraiment à l’aise avec ces paires, elles sont solides et plutôt jolies, il y a eu un effort dans le design, même si ce n’est pas la première chose que je regarde, c’est surtout le confort qui m’est important. Je trouve qu’il y a beaucoup de choses en Chine qui sont super intéressantes mais qui ne sont pas encore arrivées jusqu’en Europe, il y a du potentiel à développer avec ces marques-là.

Lachasuble : Y a-t-il une différence entre les chaussures 3×3 et celles de parquets ? Le revêtement du terrain est-il le même ?

J’utilise la même paire. On pourrait penser que lorsque l’on joue Outdoor, on pourrait avoir des chaussures un peu plus lourdes, solides. Mais moi je préfère prendre une chaussure dans laquelle je me sens bien quitte à la changer plus rapidement, que de prendre une chaussure spécifique pour le type de revêtement du terrain.

Vous en savez maintenant un peu plus sur Marie-Eve PAGET. Nous tenons à remercier MEP pour son temps, sa bienveillance et sa gentillesse. Nous lui souhaitons plein de réussite pour la suite de sa carrière et prenons rendez-vous avec elle pour l’avenir, que ce soit avec l’Équipe de Basket Landes, ou avec l’Équipe de France.
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