Notre coup de gueule sur le monde de la Sneakers blog LaChasuble

Le monde de la sneakers ne connaît pas la crise, loin de là. En France, une paire de chaussures vendues sur deux est une paire de sneakers. Devenues des accessoires de mode à part entière, les sneakers s’achètent et se revendent à prix dépassant l’entendement. C’est encore plus vrai lorsqu’il s’agit d’éditions limitées.
En 5 ans, la vente de sneakers a enregistré une progression de 50 %. Mais cette croissance a rendu ce milieu de plus en plus toxique, au péril des consommateurs de longues dates qui ne se retrouvent plus dans ce marché. On vous explique tout.

Notre relation avec le monde de la sneakers

Pour poser les bases, faisons les présentations pour ceux qui ne nous connaissent pas encore. Derrière LaChasuble, nous sommes 2 amis (Loïc et Thomas) passionnés de NBA mais aussi de sneakers. Contrairement à certains sneakers addict, nous ne sommes pas de grands consommateurs. Nous n’achetons que quelques paires par an, juste de quoi nous satisfaire, mais cela suffit quand même pour faire un sacré trou dans nos portefeuilles.

Ce que nous aimons dans le sneaker game, c’est tout le storytelling derrière les paires. Voilà à peu près une dizaine d’années que nous suivons ce milieu de près. À chaque grosses sorties, cela nous donne l’occasion de découvrir ou redécouvrir l’histoire des paires, mais également de se plonger dans l’univers des artistes et designers qui collaborent avec les marques.

Sur le sujet de la sneakers, nous partageons une passion et une vision commune. Néanmoins, cela ne nous empêche pas d’être attirés par des modèles totalement différents.
Loïc est avant tout attiré par le modèle. Gros fan de Nike Blazer, il consomme de la sneakers pour les porter, ce qui l’encourage à acheter des paires qui correspondent à son style. Il arrive tout de même qu’il craque pour une paire à cause du design ou d’une collab qu’il aime bien. Mais cela arrive rarement vu qu’il enchaîne les “L” sur SNKRS.
Pour mon cas, j’ai toujours eu une attirance pour les modèles originaux, avec le coloris d’origine. Je trouve mon bonheur dans des paires que peu de personnes portent, et qui sont sorties dans les années 70/80.
Le contexte étant posé, je peux dégainer ! Mais vous voyez déjà sûrement où je veux en venir …

Le monde de la sneakers, le business avant la passion !

Récemment, Jordan Brand et Maison Château Rouge ont sorti une collab sur une paire de Jordan 2. Et par miracle (car il faut parler de miracle), Loïc a réussi à cop le modèle. Fier de son acquisition, il poste la photo de la paire sur nos réseaux sociaux sans imaginer que les réactions vont être à l’origine de cet article.

Air Jordan 2 Maison Chateau Rouge sneakers oubliée blog LaChasuble

Nous avons reçu des dizaines de messages avec des commentaires du style : «Facile de cop en même temps, personne n’en veut» ; «Pourquoi tu as acheté ça ? La paire n’est même pas hype» ; «Pourquoi l’acheter, elle ne vaut rien à la revente ». Vous comprenez maintenant où est le problème ?

Aujourd’hui, je pense que l’immense majorité des personnes qui participent aux rafles, n’ont jamais eu l’intention de porter la paire. Voilà bientôt 3 ans que je participe aux rafles, notamment sur l’application SNKRS, et je n’ai JAMAIS réussi à choper quelque chose. Le système actuel de Nike crée beaucoup trop de frustration, et cela à cause de ces nouveaux consommateurs. Le resell est devenu le premier critère et je trouve cela tellement moche.
On a l’impression que la première question que les gens se posent est : « à combien vais-je pouvoir revendre la paire?» avant même de regarder son design.

Le monde de la sneakers, le business avant la passion blog LaChasuble

On critique, mais les consommateurs ne sont pas les seuls responsables. Les marques et les spéculateurs entretiennent ce système au détriment des véritables sneakers addict. Prenons un exemple concret : les Nike Dunk.

Le monde de la sneakers, une histoire de Hype

Pour rappel, les Nike Dunk ont été introduites sur le marché à la même période que la Air Jordan 1 (1985). Niveau design, ces deux paires possèdent quelques ressemblances ce qui ne va pas faire les affaires de la Dunk. Le modèle va très vite être éclipsé par la popularité de la Air Jordan 1. Elle réapparaît en 2002 avec une nouvelle version nommée SB DUNK qui devient très populaire auprès des skateurs. Mais à cette époque, mis à part les skateurs, personne ne calculait cette paire. Il faut attendre 2005 pour que Nike casse la machine !

En 2005, Nike commercialise la Dunk SB Low “Pigeon”, une paire créée par le designer Jeff Staple et le monde va devenir fou. La sortie de la paire déclenche des émeutes en plein centre de Manhattan. Scène surréaliste pour l’époque. Tellement surréaliste que le SWAT est obligé d’intervenir pour calmer tout le monde.

Nike Dunk SB Low “Pigeon” succès marketing blog LaChasuble

Voyant une opportunité commerciale, Nike enchaîne les collaborations pour entretenir l’engouement autour de la Dunk Low. Durant les 5 dernières années, la Nike Dunk Low est peut-être la paire qui a connu le plus de collab : Off-White, Travis Scott, Ben&Jerry’s, Parra etc… et à chaque fois c’est un énorme banger. Mais quelles sont les vraies raisons du succès de la Dunk Low ?

Comment fabriquer un banger dans le monde de la sneakers

Aujourd’hui la moindre rafle sur une Dunk Low est devenu un parcours du combattant pour obtenir la paire. Nous avons décelé les 3 raisons principales qui font le succès de cette paire de sneakers. Voyons cela ensemble.

Des collabs et du matraquage marketing

Avec le recul, les marques ont très bien compris comment faire d’une paire basique, la prochaine paire de sneakers que tout le monde veut s’arracher. Bien sûr, si tu t’appelles Nike, tu augmentes fortement tes chances de voir ta paire en tendance. Mais ne sous estimons pas la puissance des collaborations … Cette stratégie peut propulser n’importe quelle marque au devant de la scène en très peu de temps. Crocs est l’un des meilleurs exemples.

Ajoutez à cela une bonne campagne de marketing et vous obtenez le combo gagnant. Entre le matraquage publicitaire et les influenceurs, il devient difficile de passer à côté d’une paire de sneakers si une marque décide vraiment de la promouvoir.
Les influenceurs jouent un rôle très important dans la popularité des paires. Il suffirait que Tonton Gibs et CaminoTV encensent une paire totalement guez pour qu’elle devienne le banger des prochaines semaines.

Pour résumer, la recette magique pour créer une paire hype serait : Collab + matraquage marketing. Simplifié à ce point, cela paraît simple et à la frontière du ridicule, mais malheureusement on est pas très loin de la réalité.
Ce que je trouve fou, c’est qu’il existe des dizaines d’exemples de collabs qui ont totalement matrixé les sneakers addicts alors que le designer était inconnu au bataillons par le commun des mortels quelques jours plus tôt. C’est comme si le simple fait de faire une collab était plus avantageux que de créer une paire de sneakers esthétiquement agréable ! Est-ce le cas ?

Juste pour le kiffe, j’aimerai pouvoir travailler chez Nike pour appliquer cette stratégie à une paire que personne ne calcule aujourd’hui. Au fond de moi, je suis quasiment persuadé qu’il serait possible de faire retourner leur veste à la plupart des consommateurs de sneakers actuels. Et tout ça pour quoi ? Pour le bénef à la revente.

Son prix à la revente

La deuxième raison qui rend une paire de sneakers populaire est son prix à la revente. Plus la cote d’une paire sera élevée et plus nombreuses seront les personnes sur les plateformes de drop.
Je ne vais pas vous mentir, si je peux faire un bénéfice de 1000€ sur un modèle, je vais tenter ma chance, il faut bien manger. Mais quand tu vois que ce système touche également des modèles basiques, ça me déprime.

Pour illustrer mes propos, je vais vous raconter l’une de mes expériences personnelles qui se répète quasiment toutes les semaines. Nous sommes samedi matin et j’ai mis mon réveil pour choper une paire de Dunk que j’avais repérée depuis un moment. Je participe au tirage au sort, je prends mon “L” hebdomadaire puis je retourne me coucher un peu blazé. Par curiosité, je me rends le lendemain sur Vinted pour dénicher un potentiel bon plan et là, je tombe sur cette même paire de Dunk Low avec une différence de 20€ … et bien ça fout les b***** ! Laissez-nous ces paires si vous ne souhaitez pas les porter !

Et rappelez-vous quand LIDL avait sorti son propre modèle. Tout le monde s’est précipité pour aller acheter sa paire pensant qu’elle allait devenir la chaussure qui se revendrait à prix d’or… Mais pas du tout !

La rentabilité de certaines paires est un sacré fléau pour les véritables sneakers addict car elle pousse les passionnés de la revente à cop tous les modèles sans exception. À l’inverse, ce phénomène est une aubaine pour les marques. Plus leurs produits sont plébiscités et plus la marque va travailler leurs paires pour les rendre encore plus uniques et moins accessibles. Créer artificiellement la rareté est une technique redoutable qui alimente ce système.

La rareté du produit

La troisième et dernière raison qui rend une paire de sneakers populaire est la rareté du produit sur le marché. Comme c’est le cas pour les produits de luxe, plus un produit est inaccessible et plus les consommateurs se jetteront sur celui-ci pour espérer se le procurer. Mais la grosse différence entre le marché du luxe et le marché de la sneaker, c’est qu’il n’est normalement pas nécessaire de craquer ton PEL pour acheter la dernière paire de Jordan 11 ! Bienvenue dans le monde du luxe accessible.

Le système de rafles mis en place par les marques favorise ce sentiment de rareté. Quand tu ouvres ton application préférée et que tu vois le bouton “s’inscrire”, dans ta tête tu lis : “il me faut cette paire car il y en aura pas pour tout le monde” puis tu participes au tirage au sort.
Jouer sur la rareté est un bon moyen pour les marques d’augmenter l’envie de dépenser son argent dans un article que tu ne souhaites pas vraiment.

Si vous souhaitez un autre exemple, prenons celui de la Air Max One. J’ai toujours été un très grand fan de ce modèle car j’aime le design et l’histoire qu’il y a derrière la paire. Je me souviens encore du premier modèle que j’ai acheté au Foot Locker du coin, pour 110€ si ma mémoire est bonne.
Fin d’année 2021, ce modèle est remis au goût du jour grâce à une collaboration avec Patta. Et comme à son habitude, Nike ne met sur le marché que quelques paires pour créer l’engouement autour de la collab. Pari gagné, la demande explose laissant sur le carreau tous les véritables fans du modèle comme moi.

Collaboration Nike Air max One Patta blog LaChasuble

À cet instant précis, la Air Max One est entrée dans le cercle très fermé des paires à la mode. La conséquence : les éditions limitées s’enchaînent et le modèle déserte les magasins. Je vous mets au défi de retrouver aujourd’hui une paire de Air Max One dans un Shop, vous n’en trouverez pas. Tout ce que je souhaite est que Nike ne va pas faire de la Air max One la nouvelle dunk car on connaît maintenant la suite …

Pour conclure …

Désolé pour ce coup de gueule mais certaines choses avaient besoin d’être exprimées. Nous espérons que cette lecture vous a permis de comprendre un peu mieux notre point de vue.
L’important est que vous n’imaginez pas que nous avons écrit cet article simplement pour exprimer notre haine de ne pas réussir à cop les paires que nous voulons. Il y a peut-être un peu de ça mais ce n’est pas le problème de fond. Aujourd’hui nous voulions que nous nous posions ensemble cette question. Où est le problème ?